
Dans quel monde (économique) vivons-nous ? On parle de plus en plus d’économie servicielle pour qualifier notre monde post-industriel dans lequel les échanges immatériels prennent une place essentielle. À quoi correspond cette transformation servicielle ? Tentative de définition et d’illustration pour réussir à toucher du doigt l’immatériel.
La valeur créée dans l’entreprise s’est déplacée du produit vers le service, nous rappelle un rapport de la CCIP, intitulé Les entreprises françaises au défi de la transformation servicielle de l’économie. L’étude vient souligner ce basculement d’une ère industrielle vers une ère servicielle. Un mouvement de transition illustré par un chiffre de l’OCDE qui estime que 75 % des entreprises manufacturières produisent aussi des services.
Néanmoins, il ne serait pas suffisant d’établir une équivalence et de réduire l’économie servicielle à une économie de service. L’économie servicielle dépasse l’économie de service et consiste, selon la définition que nous retenons de l’économiste Philippe Moati (La plateformisation de la consommation, Gallimard), à « fonder la relation marchande, non sur la transaction sur des produits, mais sur la fourniture d’effets utiles et l’apport de solutions à des problématiques que rencontrent les clients ».
Le produit est un service gagnant
L’économie servicielle se distingue d’une simple logique de location dans la mesure où elle ne se résume pas à la mise à disposition d’un bien, mais repose le plus souvent sur une logique de résultat et de performance relativement à un besoin client. Dans une interview récente, Fabrice Bonnifet, directeur développement durable & qualité, sécurité, environnement du Groupe Bouygues donne ainsi l’exemple des box internet auxquelles les clients « n’attachent aucune importance à leur possession. Ce qui leur importe, c’est de bénéficier d’un service de qualité de fourniture d’accès à internet ».
Et cet abandon volontaire de la propriété, ajoute Fabrice Bonnifet, a des implications non seulement sur le service, mais aussi sur le produit : « En outre, les box sont écoconçues pour durer, car nous n’avons aucun intérêt à intégrer de l’obsolescence dans ces machines dont nous restons propriétaires. » Se dessine ainsi une double logique de performance, qui répond aux aspirations du consommateur du XXIe siècle, une performance en termes d’expérience offerte et de durabilité.
Un modèle relationnel créateur de valeur
Ce déplacement de valeur du produit vers l’expérience est encore illustré par l’expérience menée par Renault avec Mobilize, sa nouvelle marque dédiée aux services de mobilité. Le constructeur automobile explique que « Mobilize vend des services et non des véhicules, ce qui permet de générer des revenus récurrents et de réduire les coûts d’utilisation pour nos clients. Nous avons choisi de couvrir les éléments de la chaîne de valeur de la mobilité qui ont le plus fort potentiel de croissance et de marge. Le véhicule devient une plateforme de services, permettant de multiplier par 3 le chiffre d’affaires généré au cours de son cycle de vie ».
La focale principale ne porte plus sur le lien que le consommateur entretient avec le produit, mais sur la relation au service. La qualité de service à chaque étape du parcours client est la condition d’une récurrence et d’une continuité de la relation commerciale. Et c’est de la poursuite de cette relation que l’entreprise va tirer de la valeur. L’expertise relationnelle devient le fondement du modèle économique serviciel. D’une économie gouvernée par des ingénieurs de production on passe à celle d’une économie pilotée par des ingénieurs de la relation, de la confiance et de la satisfaction client !
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