
Au cours de ces dernières années, les entreprises ont largement digitalisé leur parcours client et développé leurs relations commerciales à distance. Les clients ont souscrit à ces évolutions, adoptant les canaux numériques et les modes de consommation en ligne qui leur étaient proposés. Si ces dispositifs digitaux offrent à la majorité des consommateurs des avantages certains, ils ne doivent pas participer, dans le même temps, à l’exclusion des personnes susceptibles de rencontrer des difficultés avec les outils numériques et renforcer les risques d’illectronisme. La transformation digitale de la relation client n’a de sens que si elle répond à la fois à l’optimisation des parcours et à l’inclusion de tous les publics.
La révolution numérique a réussi ! Les entreprises ont transformé leurs dispositifs relationnels. Elles ont développé de nouvelles technologies de communication avec leurs clients, automatisé de nombreux processus, dématérialisé les échanges de documents, rendu intelligentes leurs interfaces et robots conversationnels… Ces transformations facilitent les relations commerciales à distance et simplifient les échanges entre les consommateurs et les marques.
Les clients ont plébiscité cette transformation et adopté de nouveaux usages. En France, 93 % des ménages ont accès à internet (INSEE 2021) et 76 % des 12 ans et plus ont réalisé des achats en ligne au cours de l’année 2020 (Baromètre du numérique 2021, CRÉDOC). L’Observatoire des services clients 2021 réalisé par BVA montre, quant à lui, qu’un peu plus de 40 % des Français ont utilisé au cours de l’année un canal digital (chatbot, messagerie instantanée, application mobile…) pour contacter leur service client.
Illectronisme, la face cachée de la transformation digitale
Ces chiffres qui soulignent les avancées de l’économie numérique ont aussi une face moins enchantée. L’enquête du CRÉDOC de 2021 signale que 8 % des adultes en France n’ont pas accès à internet, 9 % n’ont pas d’adresse email, et 18 % reconnaissent ne pas maîtriser suffisamment les outils informatiques pour pouvoir les utiliser pleinement. Ces publics, non équipés, ou ne disposant pas des compétences nécessaires pour utiliser les outils, canaux et solutions qui leur sont proposés, sont dans une situation d’exclusion numérique, que l’on nomme aussi par le néologisme d’illectronisme, un illettrisme numérique.
De fait, ces publics sont également exclus d’un grand nombre des parcours numériques conçus par les marques. Population souvent déjà fragile, cela vient ajouter de la précarité à la précarité. Quelle que soit sa situation, chacun a besoin, à un moment donné, et quelle que soit la raison, de pouvoir réaliser un paiement autrement qu’en ligne, accéder à ses comptes bancaires, obtenir une information sur un produit ou un service, suivre une livraison, contester une facture…
Des technologies et des conversations inclusives
Cela place les marques face à une véritable responsabilité dont elles doivent s’emparer. D’abord en proposant des solutions alternatives aux dispositifs numériques. Il ne s’agit évidemment pas de revenir en arrière ou de déployer des parcours parallèles. L’urgent est de ne pas conduire certains clients dans des impasses numériques. Des solutions restent à inventer. On pourrait concevoir ces solutions dans le cadre de ce qu’on appellerait, une omnicanalité inclusive, correspondant à la possibilité d’accéder tout au long du parcours client à un canal de communication familier, comme le téléphone ou le point de vente physique. C’est un enjeu notamment dans le secteur bancaire où certains professionnels estiment que près de 25 % des appels au service client concernent l’utilisation de l’application mobile ou du site web.
Il ne serait pas inconcevable, aussi paradoxal que cela puisse paraître, que la solution passe par des innovations numériques. On pense ici aux interfaces vocales, qui dans certaines circonstances, compte tenu des progrès récents de ces technologies, peuvent faciliter les interactions avec l’entreprise même pour les publics les moins familiers avec les usages digitaux.
L’autre grand axe de réponse à ces situations d’illectronisme, consiste dans la formation et la sensibilisation des équipes en contact réguliers avec les clients. Ces professionnels de la relation client doivent avoir conscience que la familiarité avec les usages numériques, ce n’est pas automatique. Il entre alors dans la mission des services client de savoir mettre en place les procédures pour mieux expliquer les nouveaux dispositifs numériques aux clients qui éprouvent des difficultés. De ce point de vue, le conseiller client est un agent d’inclusion.
Ce rôle de facilitateur est d’autant plus important que chacun d’entre nous peut être frappé à un moment donné d’illectronisme face à un nouvel usage. Comme l’écrivait la mission d’information sénatoriale sur la lutte contre l’illectronisme et pour l’inclusion numérique, « Nous sommes entrés dans une phase permanente d’apprentissage collectif et de remise en cause personnelle ». Les innovations numériques ne doivent pas se transformer en armes d’exclusion massives, mais être conçues comme des outils de renforcement du lien à chaque étape du parcours client.
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